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Doctorat, vacation et chômage : petit guide de survie

Ce billet se veut un guide destiné aux doctorant.e.s au chômage qui assurent ou souhaitent assurer des vacations temporaires d’enseignement. Je ne suis pas juriste ou spécialiste Pôle emploi (devenu France Travail depuis le 1er janvier 2024) : le texte a été rédigé à partir des informations disponibles sur les sites officiels, de mon expérience et des retours sur celles d’autres doctorant.es. N’hésitez pas à nous écrire si vous avez des précisions, des suggestions ou des modifications à apporter : le but est d’améliorer cette ressource afin qu’elle vous aide au mieux ! Et surtout, pensez toujours à bien vous informer, demander et vérifier auprès de votre conseiller indemnité référent Pôle emploi.

Orazio Gentileschi, Danaé et la pluie d’or, huile sur toile, entre 1621 et 1623, Los Angeles, Getty Center.

Selon les situations, il peut arriver que le doctorat soit mené en parallèle d’une inscription comme allocataire auprès de France Travail (anciennement Pôle emploi). Cette inscription peut avoir été ouverte à la suite d’un contrat doctoral, d’un ATER, d’un emploi salarié en galerie, musée ou institution, d’une mission contractuelle dans l’enseignement secondaire ou de tout autre emploi de longue durée. Le doctorant, en plus de son statut d’étudiant, est alors considéré comme « demandeur d’emploi » et doit actualiser sa situation chaque fin de mois afin d’ouvrir ses ARE (Allocations d’aide au retour à l’emploi) pour la période concernée. 

Il n’existe aucune incompatibilité entre doctorat et inscription chez France Travail, mais le versement des ARE est conditionné à la recherche active d’un emploi, que le bénéficiaire doit être capable de pouvoir justifier. Il est vivement conseillé de conserver toutes les preuves de cette recherche : candidatures aux postes d’ATER et aux post-doctorats, candidatures spontanées, inscription et présence aux épreuves de concours, etc.

Ce faisant, et vous l’avez compris, il est donc tout à fait possible de mener une activité salariée partielle durant la période d’indemnisation, et notamment d’assurer des vacations d’enseignement auprès d’une université ou tout autre établissement d’enseignement supérieur. Le montant de ce type de vacation étant le plus souvent inférieur à celui de l’ARE, il se « cumule » à cette dernière (en réalité, il se déduit).

Mais attention : les démarches à suivre peuvent être complexes et surtout, la vacation en période de chômage peut engendrer une très forte précarité. Voici quelques informations et conseils pour essayer de s’en sortir au mieux.

I. VACATION ET CHÔMAGE : UN ACCÉLÉRATEUR DE PRÉCARITÉ ?

Les vacations temporaires d’enseignement sont considérées par Pôle emploi comme des activités secondaires, car leurs montants n’atteignent pas le minimum légal d’un emploi principal. C’est la raison pour laquelle les universités ne peuvent prendre en vacation des docteur.es non-salarié.es et/ou sans source de revenu principal. À l’inverse, les doctorant.es (inscrit.es ou non au chômage) peuvent en assurer en raison de leur statut d’étudiant.

Bien que depuis 2021, la loi de programmation de la recherche impose aux universités de mensualiser la rémunération des vacations, son application reste encore rare car le vote ne semble pas avoir été suivi d’un décret d’application (même si on constate des améliorations). Le plus souvent, les vacations sont payées au mieux tous les deux ou trois mois, au pire en fin de contrat – et parfois avec près de six mois de décalage. Outre le fait que la plupart des établissements d’enseignement supérieur ne prennent pas en charge les frais de déplacement, l’absence de mensualisation renforce la précarisation du doctorant-vacataire au chômage car Pôle Emploi impose de déclarer les heures de travail le mois au cours duquel elles ont été données. En somme, le salaire hypothétique des vacations est déduit chaque mois de l’ARE (à hauteur de 70% environ) alors même que ce salaire ne sera versé que six mois plus tard… ! 

S’il est important – pour son CV, sa formation et soi-même – d’enseigner au cours du doctorat, il faut bien réfléchir aux difficultés et être conscient des angoisses que peuvent engendrer les vacations en période d’inscription au chômage. Avoir de l’argent de côté pour assurer les baisses d’allocation le temps des (parfois très longs) délais de règlement des vacations semble un prérequis important pour éviter les situations trop anxiogènes ou financièrement difficiles (d’autant plus si les frais de transport sont à la charge du vacataire).

Assurer des vacations d’enseignement offre toutefois quelques avantages : dans certains cas (mais c’est plus compliqué depuis la dernière réforme), les vacations peuvent mener au recalcul et au prolongement des droits. Plus couramment, une vacation permet :

  • de prouver votre bonne foi dans la recherche d’emploi, tous.tes les conseiller.ères ne considérant pas les activités de recherche non rémunérées (colloques, publications) comme un investissement de votre part ;
  • et de reporter plus ou moins (selon la quantité d’heures de cours données) la fin de votre période d’indemnisation.

II. DÉCLARER SA VACATION, MODE D’EMPLOI

La démarche à suivre pour déclarer ses heures de vacation est relativement simple, mais elle peut rapidement se compliquer si elle n’a pas été correctement suivie.

A- Remplir son actualisation mensuelle

On l’a dit, les heures de vacation doivent être déclarées lors de l’actualisation du mois au cours duquel les cours ont été donnés. Il faut alors indiquer dans l’onglet « Activité salariée » de l’actualisation en ligne (ouverte du 28 du mois courant au 15 du mois suivant) le nombre d’heures d’enseignement assurées ainsi que le montant du salaire brut total estimé ou réel (si vous le connaissez). Il faut à tout prix éviter de sous-estimer ce montant : pour la bonne gestion du dossier, mieux vaut un rattrapage ultérieur positif que le remboursement d’un trop-perçu !

Pour les vacations données à l’université publique, le salaire brut total est assez facile à calculer car les grilles sont fixes : 42,86 euros brut par HeTD (Heures équivalent travaux dirigés). Ainsi :

  • 1 heure de TD vaut 1 HeTD (42,86 euros brut) ;
  • 1 heure de CM vaut 1,5 HeTD (soit 64,29 euros brut).

Si plusieurs activités ont été réalisées au cours du mois (par exemple deux vacations dans deux universités différentes), il faut les déclarer chacune indépendamment.

Attention ! On peut lire sur internet qu’il est également possible de ne déclarer ses heures de vacation qu’à la réception du salaire, c’est-à-dire avec plusieurs mois de décalage. Toutefois, cette démarche non standard est très fortement déconseillée : l’université envoie à l’URSSAF les déclarations employeur portant les dates des cours. Vous serez donc considéré.e comme fraudeur.euse et l’on vous demandera sans doute de rembourser le trop-perçu suite à la régularisation du dossier. Si les témoignages indiquent qu’à force d’explication, la situation peut parfois être débloquée, rien ne semble garanti et les lourdeurs administratives (déjà bien présentes) n’en seront que plus nombreuses.

B- Fournir un justificatif : bulletin de paie ou attestation provisoire

Une fois la déclaration faite, Pôle emploi demande de fournir une preuve de l’activité salariée partielle, c’est-à-dire un bulletin de salaire ou une attestation employeur. Malheureusement pour nous, il est souvent impossible de fournir de tels documents puisque la mensualisation n’est que rarement pratiquée par les universités et que l’attestation employeur n’est éditée qu’en fin de contrat.

Si vous n’êtes pas en mesure de présenter un bulletin de salaire mensualisé, il faut obtenir de la part de l’UFR ou des RH de la composante de rattachement une attestation provisoire consignant le nombre d’heures enseignées durant le mois, le tarif horaire brut, le montant total brut et la date prévisionnelle de versement. Ce document est rédigé sur papier libre et doit présenter le tampon officiel de l’UFR ainsi que la signature du RH ou de la direction de l’UFR. Cette attestation (qui n’est donc pas l’attestation employeur officielle) est provisoire et sert de simple justificatif : elle n’a pas de valeur légale ou juridique.

Il est impératif de transmettre au plus vite ce document. L’idéal est donc de se rapprocher dès le début de la vacation de la personne en charge des contrats et de la gestion des vacataires : c’est elle qui vous fournira l’attestation mensuelle provisoire, mais seulement sur votre demande. Plus tôt vous la demandez, plus tôt vous l’obtenez et donc plus tôt vous la fournissez à Pôle emploi qui pourra régulariser votre situation !

L’attestation peut être transmise dès l’étape de confirmation de l’actualisation ou plus tard via l’espace personnel : Mon dossier demandeur d’emploi -> Mes échanges avec Pôle emploi -> Transmettre un document -> Actualisation-changement de situation -> Activité salariée -> Attestation employeur

Bon à savoir : Le logiciel Pôle emploi, formaté pour lire des bulletins de salaire, rejette la plupart du temps l’attestation car il ne s’agit pas d’un document officiel. Certains sites internet indiquent qu’en la déposant de nouveau avec une courte lettre expliquant la situation, cela peut fonctionner mais pour moi, cela n’a jamais été le cas… Le plus simple est alors de directement envoyer l’attestation par mail à votre conseiller.ère référent.e indemnisation en lui expliquant la situation. En général, le dossier est rapidement régularisé. Sinon, n’hésitez pas à joindre le service indemnisation de votre agence.

Et si je n’obtiens pas tout de suite mon attestation provisoire ? Il peut arriver que l’UFR ne vous transmette pas immédiatement l’attestation provisoire (d’où mon conseil : rapprochez-vous le plus tôt possible des référent.es !). Dans ce cas-là, prévenez au plus vite votre conseiller.ère indemnité de votre situation afin que les allocations ne soient pas gelées. L’actualisation pourra normalement tout de même être réalisée : Pôle Emploi versera 70 % du montant estimé de l’indemnisation minorée du salaire mensuel brut déclaré et le dossier sera régularisé à la réception de l’attestation provisoire avec un second versement. Ces paiements provisoires sans justificatifs ne peuvent excéder deux mois consécutifs.

C- Comprendre et calculer le montant de l’allocation en période de vacation

Dès la transmission de la déclaration mensuelle et des justificatifs d’emploi, Pôle emploi établit le montant de l’allocation minorée de 70% du salaire total brut déclaré et justifié. À partir du résultat est calculé le nombre de jours pour lesquels vous ne serez pas indemnisé.e, ce qui signifie que la retenue ne se fait pas sur le nombre d’heures de travail déclarées mais sur le revenu brut déclaré. Cette situation est avantageuse car les jours non versés sont reportés en fin de période d’allocation : chaque jour considéré comme travaillé (et donc non indemnisé) décale la fin des droits.

Pour mieux comprendre : Le montant (net) de mes ARE est de 37,63 euros / jour. Pour le mois de février, qui compte 28 jours, j’ai assuré 3 séances de TD de 2 heures chacune, soit un total de 6 heures, pour un montant brut total de 257,16 euros.

  • (1) à l’ouverture de l’actualisation le 28 du mois, je déclare en ligne 6 heures de travail salarié pour un total brut de 257,16 euros. Je fournis mon justificatif.
  • (2) Pôle emploi procède au calcul de l’allocation suivant la formule suivante : montant de l’allocation mensuelle maximale moins 70% du salaire brut touché. Soit, dans mon cas, 1053,64 euros (28 jours à 37,63/jours) moins 180 euros (70% de 257,16 euros) = 873,64 euros.
  • (3) Pôle emploi calcule ensuite le nombre de jours d’allocation correspondant à ce montant, soit 23 jours (873,64 euros divisés par le montant journalier de l’ARE à 37,63 euros = 23,21 jours, le résultat étant toujours arrondi à l’entier le plus proche). Pour février, Pôle emploi doit donc me verser l’équivalent des indemnités pour 23 jours non travaillés, soit 865,49 euros (23 x 37,63). Les 5 jours restant sur les 28 du mois sont considérés comme travaillés.

Le résultat :

  • (1) pour le mois, je touche 865,49 euros d’ARE.
  • (2) une fois le salaire de ma vacation versé, le revenu total du mois de février s’élèvera donc à 1122,65 euros brut (allocation mensuelle + salaire brut de la vacation), soit davantage que si je n’avais pas réalisé de vacation.
  • (3) sur les 28 jours d’allocation du mois, 5 sont considérés comme travaillés et n’ont pas été versés : ils sont donc reportés en fin d’allocation. D’où l’avantage : pour 6 heures travaillées, le chômage est hypothétiquement prolongé de 5 jours !

D- La fin de vacation

En fin de vacation, il est impératif de fournir à Pôle emploi vos états de service établis afin de prouver que la rémunération touchée se rapporte à des heures déjà données et déjà déclarées les mois précédents. En effet, les bulletins de paie que vous allez recevoir portent la seule date de leur mois d’émission, qui ne correspond donc pas à la date à laquelle les cours ont été donnés. C’est ici que la situation peut se compliquer et seule l’attestation employeur définitive permet d’éviter les problèmes.

Une fois de plus, l’obtention de ce document n’a rien d’automatique : c’est à vous de demander au plus vite aux RH de l’UFR ou de la composante universitaire d’établir votre « attestation employeur destinée à Pôle emploi ». Cette dernière justifie votre activité salariée en mentionnant la durée de votre contrat, le nombre d’heures enseignées avec la date des cours donnés et la date de versement de la rémunération correspondante. 

Par exemple, pour 36 heures de vacations réparties sur 3 mois (janvier-mars) et rémunérées en trois fois sur trois mois (avril-juin), l’attestation indiquera :

Période de paieDate de paieTemps de travail payéSalaire mensuel brut soumis à contributions patronales d’assurance chômage
DuAu
01.01.202331.01.202326.04.20236 heures257,16
01.02.202328.02.202329.05.202312 heures514,32
01.03.202331.03.202328.06.202318 heures771,48

L’attestation est donc indispensable pour tous celles et ceux qui ne sont pas mensualisé.es : elle prouve que les salaires perçus en décalé correspondent à des heures déjà déclarées et donc déjà déduites des ARE.

Pour les autres, les bulletins de salaire mensuel suffisent, mais il est important de tout de même fournir l’attestation pour que les heures travaillées soient prises en compte dans le futur (re)calcul des droits.

À noter : selon les UFR / universités, il peut être compliqué d’obtenir l’attestation employeur définitive. Il faut alors insister : tout employeur a l’obligation légale de la fournir.

Un conseil : les nombreux échanges avec les différents services de Pôle emploi, a fortiori lorsque la situation est complexe, peuvent conduire à un certain imbroglio administratif. Par exemple, la faculté transmet normalement directement aux services de Pôle emploi vos bulletins de paie et votre attestation employeur une fois que vous l’aurez sollicité. Dans ce cas-là, vous n’avez pas à les transmettre de nouveau (quand bien même un message automatique vous le demande) : cela risque de créer des doublons, voire des triplets, et donc un trop-perçu et l’émission d’une dette, car l’algorithme interprète la même feuille de salaire déposée deux ou trois fois comme trois feuilles différentes, et donc trois rémunérations ! Idem pour les attestations employeur définitives. Là encore, au moindre doute, n’hésitez pas à vérifier les dépôts avec votre conseiller indemnité référent ou en contactant par téléphone votre agence.

III. POUR RÉSUMER

  • (1) Dans le cas d’une non-mensualisation, contacter dès la fin du mois l’employeur (RH de l’UFR, de la composante, de l’université, etc.) afin d’obtenir une attestation mensuelle provisoire (heures travaillées, salaire brut total, dates de versement).
  • (2) À partir du 28, réaliser sa déclaration en ligne en indiquant les heures travaillées au cours du mois et le salaire brut total pour la période. Transmettre au plus vite l’attestation provisoire (via l’interface ou votre conseiller.ère indemnité référent.e) ou, si vous êtes mensualisé.e, votre bulletin de salaire.
  • (3) Au début du mois suivant : réception de vos allocations minorées à hauteur de 70% du salaire mensuel brut (en un versement ou deux si régularisation).
  • (4) En fin de vacation, contacter l’université pour obtenir l’attestation employeur définitive. Normalement, celle-ci est directement transmise à Pôle emploi.

Si vous assurez d’autres vacations dans d’autres universités, la démarche est à répéter pour chaque UFR.

IV. CONCLUSION

Assurer une vacation temporaire d’enseignement tout en étant doctorant inscrit au chômage peut être assez complexe du point de vue financier et administratif. Rien n’est fait pour faciliter une situation déjà très précaire et il est important de bien peser les conséquences psychologiques et pécuniaires de cette décision. En effet, il faut bien avoir à l’esprit que l’allocation chômage perçue durant la période sera minorée de 70% d’un salaire brut estimé que vous ne toucherez sans doute que six mois plus tard ! 

Vigilance donc, même si au final, la vacation reste avantageuse en ce qu’elle permet de gagner un (petit peu) plus tout en prolongeant (légèrement) sa période d’indemnisation. L’actualisation devrait même être plus facile en suivant ces quelques conseils :

  • (1) éviter de déclarer les heures à la réception des versements.
  • (2) entrer au plus vite en contact avec votre conseiller référent indemnité pour lui expliquer votre situation.
  • (3) se rapprocher au plus tôt des personnels de l’UFR en charge des ressources humaines et/ou des vacataires et les solliciter au plus tôt chaque mois pour l’obtention de l’attestation provisoire mensuelle, ainsi qu’en fin de vacation pour l’obtention de l’attestation employeur définitive.

Jean Potel,
doctorant.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Jean Potel (7 novembre 2023). Doctorat, vacation et chômage : petit guide de survie. Carnet des doctorant.es du Centre André-Chastel. Consulté le 14 novembre 2024 à l’adresse https://chasteldoc.hypotheses.org/1051


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